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Pour un barreau pénal respecté et moderne

La justice pénale souffre d’un manque cruel d’organisation. Elle est exercée par les avocats dans des conditions qui datent d’un autre temps.

Il serait vain de vouloir relever tous les archaïsmes qui subsistent tant ils sont nombreux : attentes interminables, nombreuses remises, difficultés de communication avec le parquet en vue de l’organisation des audiences, ….

Respect mutuel et indépendance

De façon plus fondamentale, la justice pénale doit s’exercer dans un climat de respect mutuel entre les avocats et les magistrats, qu’ils soient du siège ou du parquet.  Les avocats sont, au même titre que les magistrats, des acteurs de justice.  En tant que bâtonnier, je me mobiliserai pour que les avocats soient considérés effectivement comme tel par les magistrats, du siège et du parquet. Il est intolérable qu’un avocat soit assimilé à son client, que ce soit par les autorités publiques ou les médias. Mais j’insiste, ce respect doit être mutuel. Il implique que les avocats se comportent dignement et respectent rigoureusement la déontologie à laquelle ils sont tenus.  J’y serai particulièrement attentif. Il en va de la crédibilité de notre profession.

Sans avocats indépendants, sans respect mutuel entre les acteurs de justice que sont les magistrats et les avocats, il n’y a tout simplement pas de justice possible.

 

Le secret professionnel

Le respect par le magistrat instructeur, lors des perquisitions, du secret professionnel est essentiel dans une société démocratique car il touche à ce principe fondamental qui commande que la confidence faite par un client soit protégée en toutes circonstances, sous peine d’abîmer la confiance des justiciables en la justice elle-même.  Cette protection doit être inscrite dans la loi et ne plus relever de l’appréciation personnelle du magistrat instructeur.

 

Pour un barreau pénal moderne

Face à des réformes récurrentes et régulières de la procédure pénale, les missions de l’avocat pénaliste sont également appelées à évoluer, parfois (trop) rapidement. Elles impliquent également de plus en plus régulièrement, notamment au vu d’une procédure qui tend à devenir plus accusatoire sans contreparties effectives pour la défense, la nécessité de recourir à des compétences techniques qui ne sont pas nécessairement accessibles. Je veillerai à ce que des formations adéquates puissent être proposées sur ce sujet, pour continuer à garantir l’effectivité de l’exercice de la défense.

Si l’on a, depuis peu et pour presque toutes les juridictions, dépassé le stade où les avocats étaient seulement autorisés, lors de la consultation d’un dossier répressif au greffe, de prendre des notes manuscrites de celui-ci, tout le monde conviendra que de très nombreux progrès restent à faire, pour permettre aux avocats d’exercer leur métier dans des conditions adéquates d’une part, mais également pour rendre la justice plus efficace, au bénéfice des justiciables mais aussi des cours et tribunaux.

Je suis conscient qu’une réforme fondamentale de la justice pénale se heurte au manque cruel de moyens financiers. Ce constat ne doit toutefois pas devenir un prétexte. Le combat doit être mené et des initiatives doivent être prises, tant par le barreau que par les pouvoirs publics. L’informatisation de la justice doit être une priorité absolue.

 

Des solutions simples, peu coûteuses et de bon sens

Si le barreau ne peut évidemment pas seul remédier à tous les problèmes qui existent, il peut néanmoins prendre certaines initiatives simples en vue d’améliorer les choses.

Je pense en particulier aux propositions pratiques suivantes, simples mais efficaces :

  • collecter et mettre à disposition sur l’Extranet de l’Ordre tous les numéros de téléphones et adresses électroniques des membres du parquet, ainsi que des chambres et greffes correctionnels (quand une adresse mail existe…) afin que ces données soient facilement accessibles pour chacun, et notamment pour ceux dont ce n’est pas la pratique quotidienne;
  • reprendre sur l’Extranet de l’Ordre le nom des membres du parquet qui siègent aux audiences afin que les praticiens ne perdent plus  un temps précieux pour obtenir cette information.  La communication avec ceux-ci en serait grandement facilitée;
  • publier sur l’Extranet de l’ordre le rôle d’audience des juridictions d’instruction.

Concernant les audiences, nous devons nouer un dialogue constructif avec le Parquet et les magistrats du siège pour dégager des solutions qui permettront d’organiser un peu mieux la tenue des audiences afin de permettre à tous de gagner un temps précieux.

Comment en effet accepter, avec les moyens de communications qui existent, de voir encore des appels du rôle interminables, de nombreuses affaires retenues, pour qu’au final, en fin de matinée il soit annoncé aux avocats qui patientent depuis le début de celle-ci que leur affaire ne pourra pas être examinée et qu’elle devra en conséquence être remise.

La crise sanitaire que nous avons connue a au moins eu le mérite, sur ce plan, de montrer qu’il est possible d’obtenir des cours et tribunaux et du Ministère Public plus d’informations et de prévisibilité quant à la tenue des audiences.  Il convient de poursuivre sur cette voie et tenter d’obtenir que pour chaque audience les avocats soient avisés des affaires qui pourront être examinées et celles qui seront remises.

Obtenons également des heures (à tout le moins des créneaux horaires) fixes pour l’examen des affaires afin d’éviter d’imposer une présence à tous en début d’audience alors que seule une affaire pourra être examinée.

Certaines juridictions y parviennent.  Pourquoi pas Bruxelles ?

Par ailleurs, les préoccupations légitimes récemment exprimées par de nombreux praticiens du droit pénal dans une lettre ouverte au sujet des situations moyenâgeuses en matière de communication des décisions judiciaires et d’accès au dossier répressif doivent enfin être entendues.

En particulier, les décisions judiciaires doivent pouvoir être envoyées par mail aux conseils des parties. Est-ce si difficile ? Je ne le pense pas.

De même, permettre aux avocats pénalistes d’accéder aux dossiers à distance, sans qu’il ne soit plus besoin de se déplacer au greffe serait une mesure de bon sens, qui permettrait réellement de faciliter la vie des avocats.

Prendre ces mesures, c’est permettre aux avocats de consacrer davantage de temps à la défense de leurs clients et, par là même, de mieux exercer leur mission d’intérêt public.

 

La défense de la défense

Enfin, chaque fois qu’un avocat est mis injustement en cause ou sous pression, le barreau doit être l’avocat de l’avocat et prendre sa défense, au besoin publiquement. Ne pas réagir créerait le risque de légitimer une atteinte injustifiée au principe d’indépendance de l’avocat et, partant, à nos valeurs fondatrices. Nous vivons une époque de cristallisation autour de positions publiques polarisées et je serai aux côtés des avocats pour rappeler le rôle essentiel de l’exercice de la défense dans une société démocratique.