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Assurance protection juridique, une voie d’accès à la justice à renforcer

La question de l’accessibilité à la justice est un véritable enjeu sociétal.

Les honoraires d’avocat et les frais de justice restent encore un obstacle pour un nombre significatif de justiciables.

Parmi les moyens favorisant l’accès à la justice, l’assurance protection juridique a un rôle essentiel à jouer. Le nouveau produit défiscalisé représente certes un effort appréciable mais son caractère facultatif et les conditions auxquelles il est subordonné en altèrent l’efficacité.

Trop d’incidents entre les assureurs et les avocats

Alors que les intérêts du client assuré devraient conduire à une collaboration saine et constructive, les incidents entre les assureurs et les avocats se multiplient.

Dans la phase amiable qu’ils se réservent, l’intervention des assureurs est en grande partie trop timide ou stéréotypée.

Lors de la saisine, les interminables discussions sur l’octroi de la couverture d’assurance et sur le caractère prématuré ou non de l’intervention de l’avocat retardent trop souvent l’élaboration d’une stratégie de défense efficace. S’y ajoutent certaines discussions byzantines en cas de succession d’avocats.

A la clôture du dossier, les contestations quasi-systématiques de certaines prestations, les refus de prise en charge de la TVA lorsque contrairement au client, le preneur y est assujetti, les réductions arbitraires des états de frais et honoraires, les paiements forfaitaires à titre d’incontestablement dû, égratignent indéniablement la relation.

Ces incidents ne concernent pas les autres prestataires amenés à intervenir dans ce cadre (conseils-techniques ou experts), alors même que les bases de calcul de leurs honoraires sont souvent sensiblement supérieures à celles qui sont acceptées pour les avocats. Ils témoignent d’une défiance manifeste à l’égard de notre profession.

Les initiatives prises par Avocats.be

La structure de dialogue assurances/barreau mise en place par Avocats.be témoigne d’efforts louables mais n’offre pas nécessairement une réponse adaptée.

Le temps consacré à justifier des prestations ou à introduire une procédure devant le Commission mixte décourage beaucoup de nos confrères. Las de voir leur travail ainsi dévalorisé, ils finissent par renoncer à la rétribution de prestations pourtant parfaitement justifiées.

Avocats.be a récemment obtenu gain de cause dans la cadre d’une action en cessation devant le Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles à l’encontre d’un assureur qui offrait des avantages financiers supplémentaires aux assurés qui décidaient de confier la défense de leurs intérêts à un certain type d’avocats[1].

Les atteintes portées directement ou indirectement au principe du libre choix de l’avocat sont inacceptables, qu’elles résultent de la pratique de certains assureurs d’orienter leurs assurés vers leurs propres avocats, d’entraves mises à la succession ou de contestations d’honoraires.

 

Le rôle de notre Ordre

Outre les actions menées par Avocats.be, il est essentiel que notre Ordre s’invite dans la discussion et fasse entendre sa voix. Notre barreau est le plus grand barreau belge. Il doit jouer un rôle moteur dans toutes les discussions et combats qui touchent le justiciable et les avocats. Ce n’est pas mener un combat corporatiste, comme d’aucuns l’affirment parfois, que celui qui vise à permettre aux avocats d’exercer pleinement, sans entraves, la mission d’intérêt général que la société leur a confiée, au bénéfice ultime des justiciables et de l’Etat de droit.

J’entends ainsi poursuivre les efforts mis en œuvre en vue d’améliorer l’efficacité de ce système destiné à redonner aux justiciables de la classe moyenne l’accès à la justice perdu ces dernières années et à assurer à leurs avocats une juste rétribution de leur travail.

Il apparaît désormais indispensable d’explorer de nouvelles pistes pour rétablir une confiance réciproque d’une part, et d’opposer une réponse ferme aux abus de certains assureurs d’autre part.

Une clarification des circonstances dans lesquelles l’intervention d’un avocat doit être prise en charge, s’impose, dût-elle passer par une modification législative. Alors que la Cour de Justice de l’Union européenne rappelle régulièrement que la portée reconnue au droit de choisir son avocat ou son représentant s’oppose à une interprétation restrictive, est-il normal que l’assureur protection juridique persiste à la refuser alors même que la partie adverse est assistée d’un avocat, ou que la mise en place d’un MARC est envisagée ou encore lorsque cet assureur est un département ou une filiale de l’assureur de la partie adverse? La réponse est assurément négative. En considérant que le libre choix de l’avocat s’impose dans le cadre d’une « procédure de médiation judiciaire ou extrajudiciaire dans laquelle une juridiction est impliquée ou susceptible de l’être, que ce soit lors de l’engagement de cette procédure ou après la clôture de celle-ci », la Cour de Justice vient encore de le réaffirmer sans détour[2].

L’assureur protection juridique doit certes (re)devenir un interlocuteur privilégié dans la défense des intérêts de nos clients mais cette collaboration ne peut s’inscrire que dans le strict respect de notre travail et de notre profession.

 


[1] Les jugements sont disponibles sur le site d’Avocats.be: http://latribune.avocats.be/?s=protection+juridique.

[2] C.J.C.E., 14 mai 2020 (O.V.B. et O.B.F.G. c. Ministerraad), C‑667/18, www.curia.europa.eu.