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La CARPA – Un projet ambitieux visant à diversifier les sources de revenus pour notre barreau

Le barreau de Paris a mis en place, depuis des années, un système de gestion des fonds de tiers au travers d’une CARPA (Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats). La transposition d’un tel système au sein des barreaux belges et singulièrement à Bruxelles est susceptible de présenter divers avantages, le moindre n’étant pas de constituer une source complémentaire de revenus substantiels pour notre Ordre.

Contrôle des comptes-tiers au sein de notre barreau : Etat de la question

Actuellement, les fonds reçus par un avocat dans l’exercice de sa profession au profit de clients ou de tiers sont versés sur un compte-tiers ou sur un compte rubriqué qui répond à certaines conditions et qui est ouvert au nom de l’avocat ou de la société d’avocat dont il fait partie.

C’est donc l’avocat lui-même (ou la société d’avocat dont il fait partie) qui manie les fonds de tiers, dans le respect des dispositions légales et déontologiques mais sans contrôle ou autorisation préalable. Les contrôles ne peuvent intervenir qu’a posteriori et généralement assez longtemps après que les opérations aient été effectuées par l’avocat.

En vertu du Code de déontologie, l’avocat (ou la société d’avocat qui gère le compte de tiers) doit remettre annuellement une attestation ou un rapport succinct relatif à l’utilisation de son compte-tiers. A Bruxelles et malgré de nombreux rappels, une grande partie des avocats de notre barreau n’a pas satisfait à cette obligation de déclaration depuis son instauration en 2018.  Etant donné la taille du barreau de Bruxelles, l’Ordre devrait se doter de moyens informatiques, humains et financiers significatifs s’il veut opérer un contrôle véritable et efficace des comptes-tiers des avocats.

La dispersion des comptes-tiers entre différentes banques ne facilite pas non plus leur contrôle.

Enfin, les comptes-tiers ne rapportent plus rien aux Ordres et, au contraire, leur coûtent en frais bancaires.

En résumé, le système actuel ne donne satisfaction à aucun égard et il y a un risque non négligeable d’une intervention étatique qui obligerait par exemple les avocats à effectuer les opérations de maniement de fonds de tiers par l’intermédiaire de comptes ouverts auprès de la Caisse de Dépôts et Consignations, ce qui porterait gravement atteinte au secret professionnel et à l’indépendance des avocats et du barreau.

Le système de la CARPA française pourrait apporter des solutions à tous ces problèmes.  Il est, en outre, susceptible de générer des revenus complémentaires substantiels pour notre Ordre, une première projection ayant estimé ceux-ci à 2,5 à 3 millions Euro par an pour les deux Ordres bruxellois, soit un budget équivalent aux frais de fonctionnement de notre Ordre.  Ce projet mérite donc d’être examiné de façon approfondie.

 

La CARPA française et son fonctionnement

La CARPA est une institution dotée de la personnalité juridique créée par un ou plusieurs barreaux et dont l’objet est de garantir la conformité des maniements de fonds accessoires à un acte juridique ou judiciaire qu’ils effectuent pour le compte de leurs clients et la représentation des fonds qui leur sont ainsi confiés. La plus importante est la CARPA de Paris, qui dépend du Barreau de Paris (+/-28.000 avocats), mais il existe également, en France, des CARPA qui fonctionnent très bien pour des barreaux nettement plus petits.

En vertu d’une disposition légale, les avocats français ne peuvent procéder à des maniements de fonds de tiers que par l’intermédiaire de la CARPA. En Belgique, il faudrait donc une intervention législative pour imposer une telle obligation.

Concrètement, les fonds reçus par un avocat pour le compte de ses clients doivent être déposés sur un compte bancaire ouvert au nom de la CARPA qui seule peut en autoriser la sortie. Les maniements de fonds sont soumis à des contrôles, exercés par la CARPA, sous la responsabilité du bâtonnier et du conseil de l’Ordre et dans le respect du secret professionel.  Aucun retrait de fonds ne peut intervenir sans un contrôle préalable de la CARPA portant notamment sur ces différents points et aucun prélèvement d’honoraires au profit de l’avocat ne peut être opéré sans l’autorisation écrite et préalable du client, ce que vérifie également la CARPA.

La CARPA assure le traitement des dossiers en temps réel (24 heures sur 24, 7 jours sur 7) tout en exerçant ses contrôles.

Le contrôle de la CARPA vise à prévenir les opérations frauduleuses dans lesquelles un avocat pourrait être instrumentalisé.  Ce contrôle peut conduire au blocage ou au refus d’une opération par la CARPA. Il s’agit donc d’un contrôle préventif de toutes les opérations de maniement de fonds de tiers par les avocats, ce qui est infiniment plus performant qu’un contrôle a posteriori et aléatoire par coup de sonde.

 

Faisabilité financière

La fongibilité des fonds déposés à la CARPA de Paris permet leur placement qui est effectué de manière strictement sécurisée auprès d’une banque de premier plan.

L’excédent – très important – des produits financiers par rapport aux frais de fonctionnement de la CARPA est exclusivement affecté à des missions d’intérêt général qu’assure le barreau (couverture des dépenses de fonctionnement du BAJ, formation professionnelle, œuvres sociales du barreau, information des justiciables etc.).

Sa faisabilité financière devrait bien sûr être analysée en détail. Sur la base de premiers contacts menés par les trésoriers successifs de l’Ordre, certaines banques belges parmi les plus importantes semblent cependant disposées à réfléchir activement à un tel projet.

 

Faisabilité technique

Le barreau de Paris semble disposer à favoriser l’utilisation d’un système similaire à Bruxelles et de permettre à notre Ordre d’avoir accès aux logiciels et droits intellectuels qui assurent le fonctionnement de la CARPA.

L’adaptation aux spécificités belges ne devrait pas être un investissement exorbitant :

  • le développement de l’interface Banque/Carpa pourrait être pris en charge par la banque
  • l’interface entre la CARPA et les avocats se ferait par le biais de la carte d’avocat, via un lecteur de carte ; ici aussi, les systèmes existent.

 

Faisabilité politique

Une modification législative serait nécessaire et requerrait des contacts avec le gouvernement. L’intérêt public semble cependant assez évident car l’instauration d’une CARPA, par barreau ou par groupes de barreaux

  • n’a aucun coût budgétaire pour l’Etat ;
  • permet un contrôle a priori de tous les maniements de fonds de tiers, alors que les barreaux d’une certaine importance peinent à mettre en place des contrôles a posteriori et qui ne pourront porter que sur une partie des opérations de maniement des fonds de tiers ;
  • est un dispositif essentiel dans l’action du barreau dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; ce dispositif s’inscrit donc pleinement dans le cadre des obligations internationales de la Belgique en la matière ;
  • est respectueux du secret professionnel et de l’indépendance du barreau, puisque la CARPA est une émanation de l’autorité ordinale et est contrôlée par celle-ci ;
  • génère des recettes nouvelles pour les barreaux, ces recettes étant affectées aux missions d’intérêt général ou collectif qu’assurent les barreaux, favorisant ainsi le service aux justiciables et l’accès à la justice.

L’instauration d’une CARPA pourrait être réalisée à titre expérimental à Bruxelles, avant que le système ne soit étendu aux autres barreaux. La collaboration avec l’Ordre néerlandais de notre barreau est indispensable.