d
Follow us
  >  Non classé   >  La possibilité pour un cabinet d’avocats d’être inscrit en tant que membre du barreau

La possibilité pour un cabinet d’avocats d’être inscrit en tant que membre du barreau

Pourquoi faut-il que les avocats de notre Ordre soient moins bien protégés que les avocats des barreaux membres de l’OVB ou que d’autres indépendants exerçant des professions libérales ? Tel est pourtant le résultat direct de la disposition légale qui interdit aux cabinets d’avocats d’être eux-mêmes inscrits au barreau et de la règle déontologique qui oblige les avocats travaillant au sein de sociétés d’avocats, à être solidairement responsables des engagements de cette société vis-à-vis des clients dont ils gèrent les dossiers.

Etat de la question

Conformément au Code judiciaire et aux règles déontologiques actuellement en vigueur, la qualité d’avocat ne peut être reconnue qu’à des personnes physiques. Si ces personnes physiques peuvent exercer leurs activités au sein d’une société, cette dernière n’est jamais membre d’un barreau et ne pourrait le devenir que moyennant une modification législative.

En outre, la déontologie ne reconnait guère aux avocats qui exercent leurs activités au travers d’une société, le bénéfice des mécanismes classiques de protection liés à l’utilisation d’une société à responsabilité limitée. En effet, l’article 4.20 du Code de déontologie de l’avocat précise que :

 1er L’avocat associé au sein d’une personne morale visée à l’article 4.17 veille à ce que ses statuts et convention garantissent le respect des règles qui régissent l’exercice de la profession ainsi que les principes essentiels de celle-ci et du présent code. Ceux-ci s’imposent à lui et priment dès lors toute disposition contraire ou incompatible, statutaire ou non.

En toute hypothèse, ces statuts ou convention doivent prévoir que :

1° l’organe de gestion ou d’administration de la personne morale ne peut être constitué que d’avocats ;

2° (…)  

l’associé en charge d’un dossier est solidairement tenu des engagements de la personne morale vis-à-vis du client (…)

Cette dernière règle n’a plus d’équivalent pour les avocats des barreaux membres de l’OVB.

 

Proposition de réforme 

Voici deux ans, le rapport rédigé par P. Henry et P. Hofströssler à la demande du ministre Geens sur la réforme de la profession d’avocats recommandait la possibilité d’admettre, en tant qu’avocats, des sociétés d’avocats et la suppression de la règle selon laquelle l’avocat doit dans certaines conditions répondre solidairement des dettes de la société dont il est associé.

Les experts proposaient d’insérer à l’article 428 du Code judiciaire la disposition suivante :

2. Peuvent également exercer la profession d’avocat, les sociétés d’avocats dotées de la personnalité juridique, inscrites au tableau de l’Ordre et qui agissent par l’intermédiaire d’un avocat membre de l’Ordre des avocats, de l’Orde van advocaten ou de l’Ordre des avocats à la Cour de cassation.

Seule la société d’avocats répond de tous les actes accomplis par un avocat pour des sociétés d’avocats dotées de la personnalité juridique, inscrites au tableau de l’Ordre

Les auteurs du rapport avançaient principalement deux justifications à l’appui de leur proposition :

  • D’une part, ils faisaient valoir qu’à l’instar de toute entreprise, l’avocat doit pouvoir efficacement limiter sa responsabilité et, à cette fin, exercer son activité au travers d’une société à responsabilité limitée.
  • D’autre part, ils soulignaient que le fait de reconnaître la qualité d’avocat aux sociétés permettrait d’exercer une politique disciplinaire à leur égard (et pas uniquement à l’égard de leurs associés).

Dans le cadre de l’avis qu’il a rendu sur ce rapport, le conseil de l’Ordre a unanimement soutenu cette proposition des experts[1], laquelle s’est cependant heurtée à l’opposition frontale des barreaux wallons et n’a donc pas été endossée par l’OBFG. Le projet de réforme du ministre Geens n’a jamais abouti.

 

Il faut relancer cette proposition de modification

Cette proposition de modification mérite qu’on la soutienne et que le barreau lui donne un nouvel élan. Elle offre une véritable protection aux avocats et se justifie pour les raisons suivantes :

  • La qualité d’avocat pour des personnes morales existe dans divers autres pays voisins, sans y poser de problèmes majeurs.
  • Cette possibilité existe également pour d’autres professions libérales indépendantes (par exemple les commissaires réviseurs et, même dans certains pays, les notaires).
  • Une telle possibilité devrait répondre aux attentes d’avocats puisqu’elle leur permettrait de mieux se protéger contre la mise en cause de leur responsabilité.
  • Pourquoi faudrait-il que les avocats soient moins bien lotis que les titulaires d’autres professions libérales ou les avocats flamands qui peuvent de manière efficace limiter leur responsabilité en recourant à des sociétés à responsabilité limitée ? Il en va d’autant plus ainsi que le droit économique tend de plus en plus à assimiler les avocats à des entreprises et que c’est à ce titre qu’il vient de leur rendre applicable le régime de la faillite. Si les avocats sont susceptibles d’être déclarés en faillite au même titre que n’importe quelle autre entreprise, pourquoi ne peuvent-ils effectivement et efficacement limiter leur responsabilité comme toute autre entreprise ?
  • Sur le plan disciplinaire, cette modification permettrait d’étendre le contrôle des règles déontologiques aux sociétés d’avocats.

Cette modification implique que les cabinets d’avocats établis à Bruxelles puissent obtenir leur inscription aux deux ordres bruxellois (voire également au barreau de cassation).


[1] Pour autant que le cabinet d’avocats établi à Bruxelles puisse être membre des deux ordres communautaires (voire également du barreau de cassation), ce que ne prévoyait pas le rapport des experts.

Emmanuel Plasschaert | Candidat au dauphinat 2020